La Fourmi et la Colombe Gilles Corrozet (1510 - 1568)

Recognoistre le bien faict.

Nous devons estre diligentz
A recognoistre les biens faittz
Qui par les aultres nous sont faictz :
C'est la loy et le droict des gentz.


Une Formis allait a la fontaine
Ayant grand sof, et, comme elle beuyoit,
Cheut dedans Veaue par fortune soudaine.
Sur la fontaine ung bel arbre y avait
Et la Columbe estoit dessus perchée,
Qui la Formis dedans Veaue nager void,
La voyant donc en Peaue si empeschée
Se submergeant, luy jecta une branche
Que de son bec elle avait arrachée.
Lors la Formis a son pouoir Peaue tranche
Et au rameau se joignit et saulya,
Remerciant une bonté sy franche.
Ung peu aprés l'oiselleur arriva,
Et ses fillez auprés d'illec tendit,
Ses chalumeaux aussi sonner il ya.
Et ce pendant guaprendre il entendit
Celle Columbe, alors soubdainement
Vint la Formis qui au pied le mordit.
Lors, pour ce mal receu si promptement,
Jecte ses rethz et chalumeaux a terre,
Dont la Columbe eut peur et tremblement.
Pour la frayeur s'en volla a grand erre,
Et la Formis remercia bien fort,
Qui son salut estott venu acquerre.
Qui secourir aultruy fatct son effort
Le delivrant de peril et d'angoisse,
Et puis il tumbe en quelque desconfort,
C'est bien raison qu'aprés on le cognoisse.
Fable 62




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