La Fourmi et le Puceron Louis Berlot-Chapuis (1823 - ?)

Une active et bonne fourmi
Vint trouver, à titre d'ami,
Certain gros puceron, caché sous une ortie.
« Cher camarade, je te prie,
Lui dit - elle, en ouvrant son cœur,
De vouloir sécréter ton exquise liqueur
Pour mes pauvres petits qui languissent sous terre :
Viens... demain il serait trop tard. »
L'autre s'avance en grand mystère,
Et dans la case solitaire
Épanche son vermeil nectar.
L'insecte des terriers, plein de reconnaissance,
Osait espérer le silence
De son empressé bienfaiteur.
Des esprits généreux c'est la commune erreur :
Il comptait sans son hôte. Un jour la sauterelle
Dit : « Commère fourmi, sais-tu bien la nouvelle ?
Le puceron prétend, mais je ne le crois pas,
Que ta noire progéniture,
Sans le suc onctueux de sa fraîche pâture,
Dans ta loge attristée allait sauter le pas. »
La fourmi se retire en murmurant tout bas :
« Quel dommage à mon cœur ! son babil me dispense
De garder souvenir de sa prompte obligeance.
Nul bien a demi ne se fait. »


Un bienfait doit être parfait.

Livre I, fable 19




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