Au beau milieu des bois, tout au bas d’une combe,
Serpentant patiemment, coulait un clair ruisseau.
Debout sur un rameau, buvait une colombe,
Bien à l’abri du vent, à l’ombre des roseaux.
Un de ces endroits où chaque chose a sa place,
Où tout est réussi, rien ne manque au tableau.
Pourtant dans les remous, on vit à la surface,
Un petit être qui troublait le cours de l’eau.
En quête d’un repas, sur une branche étroite,
Une jeune fourmi, à cent lieues de ses sœurs
Avait pris un mauvais tournant, et, maladroite,
Était tombée dans l’eau, d’un coup et sans douceur.
Rien ne l’attendait plus, sinon la mort, certaine,
Malgré les mouvements, gestes désespérés
Pour rejoindre la rive et quitter cette scène
Que l’oiseau de Vénus ne pouvait ignorer.
On peut remercier, ce tout petit brin d’herbe,
Que lança la colombe, en sa direction,
Qui d’un geste précis, et néanmoins superbe,
Assura la fourmi de sa protection.
Par cet acte gratuit et à la fois si simple
Qui ne demandait pas un colossal effort
L’oiseau blanc secourut l’insecte le plus humble,
L’épargna pour un temps, le sauva de la mort.
Un homme au bras armé d’une lourde arbalète
Un de ces fins chasseurs, qui marchait les pieds nus,
Approchait à pas doux. Il s’était mis en tête,
De rajouter bientôt l’oiseau à son menu.
D’avance il s’en léchait chacune des babines ;
Il visa l’animal en fermant son œil droit.
On aurait dit adieu à notre colombine
Si cette histoire-là ne se jouait à trois.
Car à l’instant précis du geste fatidique
La fidèle fourmi piqua l’homme au talon
Assurant, qui l’eût cru, par ce geste modique,
La vie sauve à l‘oiseau, qui partit, plein d’aplomb.
Qu’arriva-t-il alors à la miraculée,
Puis celle qui devint un si précieux atout,
De la première on sait qu’elle s’est envolée,
De la seconde enfin, on ne sait rien du tout.