Tout reposait : au temple solitaire
Où veille du Seigneur l'éternelle bonté,
Une lampe brûlait, et dans le sanctuaire
Répandait sa douce clarté.
Une autre lampe auprès pendait inanimée,
Sans chaleur et sans flamme, et l'huile parfumée
Reposait inutile en son sein argenté.
« Vous voilà, disait-elle, à demi consumée,
Et bientôt s'éteindra votre pâle lueur :
Je plains votre destin, ma sœur !
La flamme ardente vous dévore.
Demain, quand renaîtra l'aurore,
Du liquide trésor que je porte en mon sein,
Ma sœur, je serai pleine encore,
Et vous, que serez-vous demain ?
- Vous me plaignez, répondit l'autre,
Et mon sort vous paraît bien triste auprès du vôtre :
Je le préfère cependant.
La lampe où ne luit nulle flamme,
O ma sœur, c'est un corps sans âme
Qui languit éternellement !
Je bénis la main qui m'allume ;
Car en brûlant je me consume,
Mais j'éclaire en me consumant. »
Telle est l'image du génie,
Don sublime et fatal de la Divinité,
Ami des longs travaux, de la pâle insomnie,
Et qui veille au milieu de la foule endormie,
Comme, au sein du silence et de l'obscurité,
Veille la lampe sainte à la pure clarté !
Feu sacré, que Dieu même allume et fait éclore,
Feu dévorant, mais qui dévore
En éclairant l'humanité !