« Hélas ! je dois mourir au matin de mes jours,
Quand brille le soleil, quand le printemps commence,
Sans en avoir joui, je sors de l'existence,
Et je quitte l'objet de mes jeunes amours,
Le timide arbrisseau dont j'étais l'espérance ! »
C'est ainsi qu'exhalant sa touchante douleur
Se lamentait la blanche fleur
Au tronc de l'amandier par l'orage arrachée.
Emportée avec elle au caprice des vents,
Et par leur souffle détachée
Du chêne où les frimas l'oublièrent longtemps,
Une feuille lui dit : « N'accuse point l'orage
Qui t'épargne les maux compagnons des vieux jours :
Le bonheur est partout quand on est au jeune âge,
Et l'on voudrait vivre toujours ;
Mais les jours du bonheur sont rapides et courts,
Et l'on change bientôt de vœux et de langage.
Si le Ciel de ta vie eût prolongé le cours,
Le temps dans sa course fatale
Eût détruit, pauvre fleur, ta beauté virginale,
Et quelque ver caché dans le fond de ton cœur
De ton calice pur eût souillé la blancheur.
Mais tu n'as point connu, mourant à peine éclose,
Ni l'outrage du temps, qui flétrit toute chose,
Ni les tourments du ver rongeur ;
Et tu t'éloignes de la terre
Sans avoir rien perdu de ta douce senteur,
Emportant avec toi ta beauté tout entière. »
Et semblable à la jeune fleur
Par sa rapide destinée,
L'enfant à qui la mort en naissant fut donnée
Conserve tous les biens qu'il reçut du Seigneur.
Aux douleurs de la vie arraché dès l'aurore,
Il délaisse la terre et ses bruits importuns,
Et loin du monde qu'elle ignore
Son âme, pure et vierge encore,
Fuit et s'envole au ciel avec tous ses parfums.