Un coq, fier de son haut lignage,
Orphelin dès son plus jeune âge,
Après avoir longtemps traîné ses nobles jours,
Solitaire et superbe au fond des basses-cours,
Finit par se lasser de son humeur sauvage,
Et se choisit pour compagnon
Certain mouton du voisinage
Qui lui revenait fort d'humeur et de visage.
C'était un excellent mouton,
Honnête et douce créature,
Ayant de ses pareils l'ordinaire nature,
Candide, sans malice, et bête outre mesure.
Bête, c'était fâcheux : mais il était si bon !
Qui n'a son imperfection ?
Au monde où nous vivons, il faut bien, et pour cause,
Qu'à la bonté l'on passe quelque chose :
Car, hélas ! esprit et bonté,
Malgré l'attrait qui les rassemble,
Habitent moins souvent ensemble
Que sottise et méchanceté !
Nos deux amis firent donc bon ménage
Surtout dans le commencement ;
Le mouton, il est vrai, ne parlait pas souvent
Et n'en pensait pas davantage ;
Mais il savait du moins, point rare et capital,
Écouter aussi bien qu'aucun autre animal,
Sans dormir, sans bâiller, et dans un grand silence.
Il écouta si bien, qu'à bout de patience :
« C'en est trop, dit le coq, je suis las de jaser !
Je parle, il ne dit mot ; ce n'est pas là causer.
Maudits soient les niais et toute leur engeance !
Instruit par cette expérience,
Cherchons un autre compagnon
Qui du Ciel ait reçu plus d'esprit en partage. »
Aussitôt notre coq (on va vite à cet âge)
Jeta son dévolu sur un jeune dindon,
Qui de loin lui semblait charmant de caractère.
Mais ce fut bien une autre affaire !
C'étaient de sots discours et des airs fanfarons,
Des compliments sans fin sur son propre plumage,
Des mots vides de sens, des cris, un caquetage,
A troubler tous les environs.
Il ennuya si fort, cria de telle sorte,
Qu'il fallut se résoudre à lui fermer la porte ;
Et le chercheur d'amis, comprenant la leçon,
Se dit en secouant la tête :
« Décidément j'aime mieux une bête,
Et je retourne à mon mouton ! »