Les deux Pères de famille Joseph Poisle-Desgranges (1823 - 1879)

Doux frères avaient des enfants
Qu'ils instruisaient à part, chacun à sa manière
C'est ainsi 'que fait chaque père ;
Il agit pour le bien ; mais quand les siens sont grands,
Souvent il s'aperçoit qu'il aurait pu mieux taire.
Or, l'un des deux parents, c'était le frère aîné,
Avait horreur du crime et lorsqu'un condamné
Expiait ses forfaits sous lé tranchant du glaive,
Il conduisait son fils vers la place où s'achève
Ce spectacle sanglant,
Là, le vieillard à son enfant.
Adressait un discours dénué d'éloquence,
Mais que tout honnête homme a dans sa conscience.
Rentré chez lui, venait encor mainte leçon
A l'appui du sermon.
Bref, pour prix de ses soins, ainsi que de ses peines,
Il eut un mauvais garnement
Dont il déplora les fredaines.
Surpris d'un pareil dénouement,
L'infortuné se désespère ;
Il gémit sur son triste sort
De vieillard et de père,
Et chaque jour, au ciel il demande la mort.
Un matin cependant il va trouver son frère,
Et verso dans son sein de pénibles aveux.
— Hélas ! s'écria-t-il en voyant ses neveux,
Mon frère, enseignez-moi comment on doit s'y prendre
Pour avoir, comme vous, des enfants vertueux ?
Ce secret, je l'ignore et voudrais le comprendre ; /
Daignez m'instruire, quoique vieux.
— Mon ami, je ne puis, sans te donner le blâme,
Te retracer ce que je fis.
Comme toi je n'ai point élevé mes deux fils ;
Jamais de noirs récits n'ont assombri leur âme,
Et je les ai gardés de tout tableau hideux
Qui sait fendre le cœur sans attendrir les yeux.
La jeunesse n'a pas besoin de ces secousses ;
il lui faut» selon moi, des émotions douces,
Des preuves d'amitié, des élans généreux,
Et ne guider ses pas que chez les malheureux.
À nos enfants il faut apprendre
Ce que vaut un peu d'or, quand on sait le répandre ;
En un mot, mon ami, pour se complaire au bien,
Je ne crois pas qu'on doive approfondir le crime ;
Dans nos cœurs la vertu s'imprime,
En pratiquant ses lois : voilà le seul moyen.

Livre II, fable 15




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