Estre humain entre les siens
Qui vers les siens monstre sa cruaulté
A grande peine aura-il loyaulté
Aux estrangiers, et chascune personne
Doit-on fuyr qui aux stens ne pardonne.
Ung Laboureur, l'hyver durant,
Grand necessité endurant
Pour le fort temps qui lors estoit,
Mangea ses Brebis et Aigneaulx,
Chevreaux, Cochons et jeunes Veaulx,
Pour la faim qui le tourmentoit.
Quand tout cela fut devoré,
Que rien ne luy est demouré,
Fors que les Beufz de sa charrue,
Nonobstant leur labeur rusticque,
Oubliant son gaing et praticque,
En la fin pour manger les tue.
Ses Chiens, les voyantz mourir tous,
Disoient ainst : « Que ferons-nous,
Puisque nostre maistre inhumain
N'espargne non plus qwadversaires
Les bestes qui sont necessaires ?
Gardons de tomber en sa main. »
Sy tu es comme mercennaire
Avec ung homme debonnaire,
Ton loyer de luy tu prendras ;
Mais avec ung fol courageux,
Aux siens cruel et oultrageux,
Ta vie et ton gaing tu perdras.
Titre original : Du Laboureur et des Chiens