La Tour et le Cerf-volant Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

On admirait le bel ouvrage
D'une tour au céleste aspect
Et digne du plus grand respect,
Vrai chef-d'œuvre du moyen âge !...
Son gracieux contour, sa sublime beauté
Des mortels attiraient l'hommage.
Un cerf-volant, plein de fierté,
Bien peint et bien doré, planant au-dessus d'elle,
Lui : « Moi, je suis le plus grand.
- Oui, répondit la tour, mais ta grandeur dépend
Du vent !
Tu ne vaux pas la plus mince tourelle :
Dans ton orgueil tu te crois fils des cieux...
Tu ne saurais tromper les yeux ;
A terre, on voit la main qui retient ta ficelle... »

L'homme, dans la fausse grandeur,
De notre cerf-volant nous réfléchit l'image :
Il n'a vraiment que la hauteur
Que lui prête, un moment, la Fortune volage.
La grandeur véritable est l'ouvrage du coeur.

Fables nouvelles, Livre I, Fable 3, 1851


Dans ce genre de fable, il y a toujours quelqu'un pour rabaisser le caquet d'un prétention. Mais alors ici, c'est la tour qui dit au cerf-volant : Tu n'es pas grand ; sous-entendu, c'est moi qui le suis !