L'Âne de la fabrique Louis Berlot-Chapuis (1823 - ?)

L'œil du maître, dit - on, engraisse le cheval.
On ne saurait le méconnaître ;
Mais il faut plaindre l'animal
Qui compte plus d'un maître.

Sur le sommet d'un rapide coteau,
Quatre amis, autrefois, louèrent un château,
Pour installer une fabrique.
Chaque associé possédait
Pour son usage un robuste baudet
Qu'il hébergeait au mieux, tandis que la bourrique.
De l'apport social, inspirait la pitié.
Qu'importe si sa vie était un purgatoire ?
Elle ne frappait point du pié.
Et pourtant, Dieu le sait, pour sa piètre mangeoire
C'était toujours un vendredi.
Souvent jusqu'à midi,
Notre maigre grison n'avait en sa cabane
Ni foin, ni paille au râtelier.
Qu'aurait pu lui servir de ruer, de brailler ?
La patience est la vertu de l'âne...
Le pauvre sire enguignonné,
Rachitique et ratatiné,
Loin d'être comme un coq en pâte,
Ainsi que ses joyeux voisins,
Pouvait entendre, hélas ! tous les matins,
Redire, à son sujet : « S'il n'a rien, qu'il en gratte. »
Qui travaille pour tous a l'existence ingrate :

L'âne de la communauté
Est toujours le plus mal bâté.

Livre I, fable 6




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