Une jeune dame élégante
S'avançait d'un pas gracieux
Tandis que, non loin d'elle, heureuse et souriante,
Toute blonde, rose et pimpante,
Une enfant de six ans sautait d'un air joyeux.
Les yeux brillants, le printemps sur la joue,
Elle cheminait doucement
Quand, s'élançant sur elle, un méchant garnement,
D'un coup de pied, retendit dans la boue.
Comme il savourait son méfait,
Disant à part lui : C'est bien fait !
L'enfant se mit à fondre en larmes.
La mère accourt tout en alarmes,
Se fâche et dit : — Méchant garçon,
Il est temps que cela finisse,
Vous méritez une leçon !
Qu'on cherche un agent de police!
L'enfant comprenant vaguement
Qu'il s'agissait de châtiment,
Leva sur le gamin son regard tout humide
Et dit, en lui donnant un baiser bien timide :
« Tu ne le feras plus, petit garçon ! La paix! »
Lui, passant ses deux mains dans ses cheveux épais,
Recula d'un pas en arrière,
Et sur ses pieds se souleva,
Mais elle prit sa main, sa main rude et grossière,
Et l'embrassant bien-fort, d'un petit ton colère
Cria : « Méchant garçon, tu ne veux pas la faire.
La paix, je saurai bien la faire seule, va I »
Il resta là pensif, troublé, baissant la tête,
Tournant dans ses doigts sa casquette,
De ce qu'il avait vu ne sachant que penser.
Vraiment, dit-il enfin, c'est trop fort! m'embrasser!
Je l'avais maltraitée, elle aurait dû le rendre;
Se venger d'un affront, c'est facile à comprendre,
Mais m'embrasser ainsi, qui l'aurait jamais cru?
Elle aurait dû me mordre,.. oh ! moi, j'aurais mordu !
Le lendemain la jeune mère
Avec l'enfant se promenait gaîment,
Lorsqu'elle vit quelqu'un la suivre avec mystère,
Et s'approcher furtivement ;
C'était le gamin de la veille.
Tout doucement il l'appela
Et lui glissa soudain ces deux mots dans l'oreille :
« Pourquoi, madame, a-t-elle fait cela ? »
Et sur sa main calleuse il désignait la place
Qui du baiser de paix portait encor la trace....
— Viens, ma fille, dit-elle, et parle à ce garçon;
Viens lui donner une leçon.
Il désire savoir comment il se peut faire
Qu'au lieu de te mettre en colère,
Tu puisses l'embrasser ainsi de tout ton cœur ;
Peut-être as-tu songé que notre bon Sauveur...
— Oh! maman, c'est venu tout seul!... Mais si personne
' Ne m'avait enseigné que Jésus me pardonne,
Comment aurais-je pu pardonner à mon tour?
C'était bien répondu. Voulons-nous, dès ce jour,
Apprendre à pardonner les offenses des autres,
Comprenons que Jésus nous a remis les nôtres,
Et veut remplir nos coeurs de son esprit d'amour.
Fable 5