Prisonnier pour ma sœur Auguste Fisch (1814 - 1881)

Un jour, la petite Louise
Avait été maussade et sotte; on l'avait mise
Au coin ; la pauvre enfant avait le cœur bien gros,
Et c'étaient des soupirs sans fin, de longs sanglots.
A ce moment, vient à passer son frère;
Il l'aperçoit, et courant vers sa mère,
Lui glisse ces deux mots à l'oreille, tout bas :
— Maman, qu'a donc ma sœur ? Tu sais, je n'aime pas
La voir pleurer ; permets que je prenne sa place.
Sa mère, émue, en réponse l'embrasse
Et lui dit : — Brave enfant, suis l'élan de ton cœur !
Je t'approuve, et tu peux annoncer à ta sœur
Ce que tu veux faire pour elle.
Heureux de lui porter cette bonne nouvelle,
Et la baisant au front très-tendrement :
— Tu peux sortir, s'écria-t-il gaîment,
C'est maman qui vers toi m'envoie;
Amuse-toi ! Tù peux t'en donner à cœur joie !
La fillette, à ces mots, de s'enfuir, sans songer
Que son frère à son tour reste là sans bouger...
C'était dur ! Ce n'était guère amusant, en somme,
D'être ainsi prisonnier, et notre petit homme
Par moments soupirait un peu
En pensant au jardin, aux arbres, au ciel bleu ;
Il s'ennuyait beaucoup dans cette solitude,
Trouvant que pour sa soeur si jeune elle était rude!
A cette seule idée un éclair de bonheur
Brillait dans son regard, faisait battre son coeur ;
C'est si doux de souffrir un peu pour ceux qu'on aime,
De faire un sacrifice en s'oubliant soi-même!

Tout à coup il entend un léger bruit de pas,
C'est sa mère : — Oh! maman, dit-il, ne suis-je pas
Comme le bon Jésus ? — Enfant, que veux-tu dire?
— Oui, maman; l'autre jour ne m'as-tu pas fait lire
Que Jésus-Christ a pris sur lui le châtiment
Que nous méritons tous, comme dans ce moment
Pour ma soeur, qui là-bas court devant la fenêtre,
Je suis puni, n'ayant pas mérité de l'être?

Ce jeune enfant avait, dans sa naïveté,
Mieux que bien des savants compris la charité
De Celui qui voulut souffrir à notre place
Pour nous offrir à tous les trésors de sa grâce.



Fable 6

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