Le jeune Voleur Auguste Fisch (1814 - 1881)

Avez-vous visité la Petite Roquette ?
Non, peut-être... Il n'y fait pas bon, je vous promets,
C'est un vilain séjour... Enfants, je vous souhaite
De ne pas le connaître et le voir de trop près !...

D'ici figurez-vous un édifice énorme,
Environné de murs épais, et dont la forme
Est ronde; en pénétrant au dedans, tout est froid ;
Des portes, des verrous, un corridor étroit
Qui, d'étage en étage, autour du mur d'enceinte
Tourne et tourne sans fin comme un vrai labyrinthe.
Derrière un petit trou que l'on nomme guichet.
Une table grossière, un lit, un tabouret,
Forment le mobilier de cellules pareilles
A celles que l'on voit dans les ruches d'abeilles.
Là sont les prisonniers : de tout jeunes garçons,
Des voleurs, des vauriens, de petits polissons;
On les fait travailler ; mais ces oiseaux en cage
N'ont pas, vous le pensez, le cœur bien à l'ouvrage.
Chers enfants, qui sous l'oeil de parents bien-aimés,
Dans de bons lits bien chauds le soir vous endormez,
Soyez reconnaissants envers la Providence,
Car si Dieu n'avait pas entouré votre enfance
De ses soins paternels, oh! songez à cela,
Vous seriez aujourd'hui peut-être enfermés là I...

Un jour, je m'approchai d'un enfant dont l'air triste
Me frappa; me voyant entrer à l'improviste,
Il pâlit et soudain se mit à sangloter :
— Ma mère ne veut pas venir me visiter...
Je l'attends à chaque heure... Est-ce qu'elle m'oublie?
S'écria-t-il; monsieur, oh! je vous en supplie,
Dites-lui de venir, car je m'ennuie ici;
Je voudrais tant la voir! — Ne pleure pas ainsi,
Lui dis-je, elle viendra, c'est une chose sûre,
Et ta captivité te paraîtra moins dure...
Mais si tu souffres tant loin d'elle, aussi pourquoi
N'es-tu pas demeuré tranquille, heureux chez toi?
Qu'as-tu fait? —J'ai volé, mais vous pouvez m'en croire,
C'est bon pour une fois! — Toujours la même histoire!
— Je ne le ferai plus. — On le refait pourtant!...
Mais qu'as-tu donc volé?— Un matin, en sortant
De la maison, j'ai vu tomber d'une sacoche
Un beau porte-monnaie, et l'ai mis dans ma poche.
— Et que renfermait-il? —- Vingt francs et quelques sous.
— N'as-tu pas entendu la voix qui parle en nous,
Au fond de notre cœur, quand ta main s'est baissée,
Tout bas te reprocher ta mauvaise pensée ?
— Oui, monsieur ! — Et l'argent, qu'est-il donc devenu?
Qu'en as-tu fait? — Mon frère, en rentrant, est venu,
Puis nous en avons fait ensemble le partage.
— Et tu t'es bien gardé de lui dire, je gage.
Que tu l'avais volé? — Oh ! pour cela, bien sûr!
Il pense que je l'ai trouvé derrière un mur.
— Je m'en doutais... Mentir ainsi, c'est une honte !
Faire croire à ton frère, en inventant un conte,
Qu'il pouvait sans remords accepter ton cadeau,
Franchement, se conduire ainsi, ce n'est pas beau!
— Je sais bien que c'est mal... Monsieur, je vous assure,
Je ne le ferai plus jamais, je vous le jure !
— Je l'espère... et je crois que d'un coeur repentant
Tu confesses tes torts; c'est très-bien, mais pourtant
Ce n'est pas à moi seul que s'adresse l'offense,
C'est à Dieu. Si tu fais appel à sa clémence,
Comme le fils prodigue, en t'avouant pécheur,
En lui disant : Fais grâce au nom du bon Sauveur!
Il changera ton coeur, et te rendra capable
De triompher du mal, de tout penchant coupable ;
Mets en lui ton espoir, et le Seigneur Jésus
Te bénira!... L'enfant, qui ne sanglotait plus,
Me répondit tout bas : — Merci, monsieur; j'espère
Vous voir encor... Surtout n'oubliez pas ma mère !



Fable 9

Commentaires