Il y avait à Florence une espèce de sot, nommé Nigniaca, pas trop fou cependant et d'assez belle humeur. Quelques jeunes gens s’entendirent un jour pour lui faire une farce ; ils imaginèrent de lui persuader qu’il était gravement malade. L’un deux le rencontrant le matin, au moment de sa sortie, lui demanda s’il souffrait, car il était tout pâle et bien changé. — « Pas le moins du monde », répondit-il. Un peu plus loin, un autre, ainsi que cela était convenu, s’enquit s’il n’avait pas la lièvre, sa figure émaciée. couverte de sueur dénotant la maladie. Notre pauvre garçon commençait à douter de lui. ne s’imaginant pas qu’on le bernait ; il avançait à pas lents et timidement, quand un troisième compère arrive, l’examine et après l’avoir bien regardé lui dit : - « Ton visage indique une fièvre violente, une maladie sérieuse. » Nigniaca prit peur alors, s’arrêta, se demandant avec anxiété s’il n’a pas réellement la fièvre. Un quatrième complice survenant, affirme que le cas est très grave et manifeste son étonnement de ne pas le voir au lit, rengage à regagner promptement sa demeure, s'offrant de le reconduire et de le soigner comme un frère. Le pauvre diable rebrousse alors chemin, comme courbé sous son mal et regagne sa couchette, avec l’attitude d’un homme qui va expirer. Les compères accourent aussitôt, lui disent qu’il a bien fait de se mettre au lit, puis l’un d’eux se faisant passer pour médecin, lui tâte le pouls et déclare la mort imminente. Alors, tous ceux qui entouraient le grabat se mettent à dire : « La mort vient, les pieds se refroidissent, la langue balbutie, les yeux se voilent, il expire ! Fermons lui donc les yeux, joignons lui les mains, ensevelissons-le. Quelle grande perte que celle de ce bon garçon, notre ami ! » Puis ils firent semblant d’échanger entre eux des consolations. Pendant ce temps, Nigniaca ne soufflait mot, ainsi qu’il convient à un trépassé, il se croyait mort véritablement. On le plaça dans un cercueil, elles jeunes gens suivirent le convoi à travers la ville. A ceux qui s’informaient du nom du défunt, on répondait. « C est Nigniaca qu'on porte en terre. » — A mesure qu’on avançait, beaucoup de gens vinrent pour rire, se joindre au cortège, et on allait répétant toujours : — « C’est Nigniaca qui est mort et qu’on porte au cimetière. » — Un cabaretier en entendant cela, s’écria : — « Quelle mauvaise bête, quel adroit voleur vous emportez-là ! Il méritait de finir suspendu au bout d’une corde, » Alors l’imbécile entendant ce propos, leva la tète : — « Si j’étais aussi bien vivant que je suis mort, je te prouverais, pendard, que tu en as menti par la gueule. » Les porteurs éclatant de rire, abandonnèrent l’homme dans sa bière.