La Mort et le Vieillard Nivet Desbrières (18ème siècle)

A l'heure où le soleil nous cache sa lumière,
Un Vieillard à pas lents regagnait sa chaumière ;
Quoiqu'opprimé du poids des ans,
II portait sur le dos un faix des plus pesants ;
En un si triste état il se couche par terre,
Se plaint longtemps de sa misère,
D'une infinité de malheurs
Et des plus cuisantes douleurs.
II faut, dit-il, que je travaille,
Chaque jour du matin au soir,
Pour payer mon loyer, ma taille ;
Hélas ! je couche sur la paille '
Et ne mange que du pain noir,
Encor n'ai-je jamais la maille ;
Enfin réduit au désespoir,
O Mort ! s'écria-t-il, que tu me parais lente
A venir terminer mon martyre et mes jours,
La Mort aussitôt se présente ;
Je viens, dit-elle, à ton secours,
Vieillard, que faut-il que je fasse ?
Veux-tu que j'aiguise ma faux ?
Non, non, répondit-il, j'ai trop peur de ta face,
Retire-toi bien loin, je souffrirai mes maux.

Cela tient un peu du prodige :
On se plaint toujours de son sort,
Et quelque mal qui nous afflige,
On ne craint rien tant que la Mort.

Fables nouvelles, fable 21




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