Le Meunier trompé par sa femme Poggio Bracciolini (1380 - 1459)

Il y a, près du pont de la ville, un moulin dont le maître s’appelait Cornieola. Fn jour, on était en été, celui-ci, étant assis près du pont, vit passer une paysanne jeune et à point qui semblait
errante. Comme il se faisait tard, que le soleil se couchait, le meunier engagea cette fille à aller
trouver sa femme. Celle-ci ayant accepté, il appela son domestique et lui dit de conduire cette fille à sa femme, de lui faire donner une chiambre après ravoir fait souper. Le valet étant parti, la meunière qui avait compris que son mari avait des intentions sur la jeune tille, la fit coucher dans son propre lit et s’alla coucher elle-même dans la chambre désignée pour la voyageuse. Le mari, après avoir veillé assez longtemps, estimant que son épouse dormait, entra furtivement au moulin et s’alla dans la chambre où, ignorant la fraude, il besogna sa femme qui ne soufflait mot. En sortant, il dit à son domestique ce qu'il avait fait, l’engageant à l’imiter ; celui-ci profita de l’avis et besogna avec la femme de son patron pendant que Cornicula venait se mettre dans son lit doucement de pour de réveiller sa femme qu’il y croyait couchée. Le matin de bonne heure, il se leva sans rien dire, persuadé qu’il avait possédé la jeune fille. Lorsqu’il revint à l’heure du déjeuner, sa femme lui servit d’abord cinq œufs frais. Tout surpris de la nouveauté, il lui demanda la raison de cette amabilité ; elle lui répondit avec un air joyeux qu’elle lui offrait un œuf pour chaque mille qu’il avait parcouru dans la nuit. Le bonhomme comprit qu’il avait été pris dans ses propres filets, aussi fît-il semblant d’être le travailleur unique, et goba les cinq œufs. La plupart du temps les pervers tombent dans leurs propres pièges.

Les facétie du Podge


Titre original : D'un meunier trompé par sa femme qui lui donna cinq œufs à manger