Les moindres peuvent nuyre aux grands.
L'homme de condition basse
Peult nuyre A ung plus grand que soy ;
Son dommaige donc ne congoy
Qu'ung mal plus grand ne te pourchasse.
L'Aigle, qu'on dict le Roy de tous Oyseaulx,
Ung jour trouva des petitz Regnardeaux
Hors du terrier, et, dés ce qu'il les veid,
Pour son butin il les print et ravit,
Et s'envola avecques ceste prote
Dedans son nid. La Regnarde s'effroie
D'avoir perdu ses faons, et s'escrie,
Et humblement ceste grande Aigle prie
Les rebailler, dont l'Aigle ne tint compte.
Ceste Regnarde en sa colère monte,
Et par courroux fuc tellement faschée
Qu'au pied de Varbre ot PAigle estoit nichée
Feit ung grand feu, et disait la Regnarde :
« Or, maintenant, de ce peril te garde,
Toy et les tiens. » Le feu Parbre environne,
Dont l'Aigle a peur, se complainct et estonne
Pour ses petitz, qu'elle ne peult saulyer.
Ne scachant donc nul remede trouver,
À la Regnarde elle requiert pardon
Pour ses oyseaulx, qut sont en Pabandon
Du feu ardent. Lecteur, icy je prens
L'Aigle vollant pour les riches et grands,
Et la Regnarde aussi pour les petitz,
Dont les grandz sont souvent assubjectis :
Car, quand on faict aux pauvres quelque offence,
Pour s'en venger trouvent bien leur deffence.
Titre original : De l'Aigle et de la Renarde