Un rat très bon vivant,
Toujours vif, bien portant.
Voyant son ami fort malade,
Lui disait, en bon camarade :
« Tu n’es pas sage et fais trop bon écot;
On ne se guérit pas à. tant manger de rôt;.
Il faut si peu pour vivre!
En rongeant un vieux livre,
J’ai lu (c’était, je crois,
L’École de Saleme),
Qu’en ton état, lu dois
Rester dans ta caverne,
Ne boire que de l’eau,
Faire sévère diète
Et ne pas manger miette
Même d’un bon morceau,
Le conseil à donner nous paraît très facile,
Mais le suivre, était difficile.
Cependant, du docteur pratiquant la leçon,
Le malade bientôt obtint sa guérison.
A quelque temps de là, le rat qui bien conseille,
A son tour se trouva d’un mal semblable pris.
Son compagnon lui vient retourner ses avis.
Mais celui-ci, faisant la sourde oreille,
Ne perd pas un seul coup de dent,
Et voit, dans peu, sa vie
Finie.

On sait doter autrui d’un conseil très-prudent,
Mais le suivre pour soi, c’est cas tout différent.

Fables nouvelles, Livre VI, Fable 15, 1851