Un marchand
Dit Normand,
Dans sa calculante cervelle,
Croyait avair trouvé des tours ingénieux
Pour enrichir son escarcelle.
Il volait ses chalands : ce sont moyens honteux.
A le servir sa balance fidèle
Favorisait ses vols industrieux.
Même il frandait ses marchandises....
Ma commère, allez-vous chez Pierre, le voisin,
Faire achat de vos friandises ?
Avec la betterave il compose son vin ;
Il charge ses épiceries ;
Il s'enrichira vite, allant de si bon train.
Avec de la farine il fait ses sucreries.
Vous pensez bien, la voisine Isabeau
Surcharge encore le tableau.
La déesse aux cent voix va criaillant sans cesse :
Gros-Pierre fraude tout ! Gros-Pierre est un yoleur !
Que fallait-il de plus pour causer son malheur ?
Gros-Pierre ne vend rien, le créancier le presse.
Il survient d'autres accidents :
Ses marchandises frelatées,
Par mille fâcheux contretemps,
Sans nul remède, à ses yeux sont gâtées.
Pierre fut ruiné. La faillite arriva,
Et la justice 'acheva.
Voila ce que devint Gros—Pierre.

Ravir le bien d'autrui, c'est vouloir sa misère.

Livre IV, Fable 3




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