Les Oisons d’une base-cour :
Se doutant que leur destinée
Devait étre dans peu par la mort terminée,
Tinrent entre eux conseil un jour.
Que faisons-nous dans ce triste séjour,
Se dirent-ils, qu’y devons-nous attendre,
Qu'à nous voir égorger chacun à notre tour ?
Le seul parti que nous ayons à prendre,
Pour sauver notre vie, est de nous en aller
Dans une terre étrangère et lointaine.
A nous y transporter, nous n’aurons pas de peines.
Le Ciel nous a donné des ailes pour voler.
La résolution était brave, était sage.
Pour l'exécuter, le courage
Ne manquait pas à nos Oisons ;
Mais jamais de leurs avirons,
Pour fendre l'air, ils n’avaient fait usage.
N’importe, on prend son vol et si fort et si haut,
Qu’on se voit élevé bientôt
A la région du tonnerre.
L’effort était trop grand, on ne le soutint pas.
La troupe retomba lourdement contre terre,
Et par sa chute avança son trépas.

Combien d’ambitieux, dépeints sous cette Fable,
A de hardis projets contraints de succomber,
Font une chute déplorable !
S'élever par un vol, dont on est incapable,
C’est vouloir de plus haut tomber.

Livre I, fable 15




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