Le Brame et la Bayadère Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Djamy, la bayadère, épaule et jambe nue,
Au seuil d'un jeune brame un soir alla frapper,
« J'ai froid, j'ai faim, dit-elle, est la nuit est venue,
Ne puis-je partager ta natte et ton souper?
— Je ne ferme jamais ma porte hospitalière,
Et ce que Dieu me donne est aux enfants de Dieu,
Dit le brame. » Aussitôt il rallume son feu
Et fait cuire le riz. Alors la bayadère
Agite ses grelots ; et sa danse légère,
Son chant, voluptueux, son œil plein de langueur,
De l'enfant de Brama cherche à troubler le cœur.
Mais il reste insensible, et bientôt sur la table
Lui sert le riz sans sel, mets fade et détestable.
Djamy le goûte à peine, et, se levant soudain,
Jette sur le jeune homme un regard de dédain.
« Je pars, dit-elle ; ailleurs le plaisir me, réclame.
Tu ne m'offres qu'un riz insipide, et ton âme
Méconnaît de l'amour le charme universel.
— Va, mais retiens ceci, pauvre enfant, dit le brame :
La femme sans pudeur est comme un mets sans sel. »

Livre VI, Fable 4, 1856




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