L'Homme et la Belette Joseph Poisle-Desgranges (1823 - 1879)

Phèdre dans ses écrits raconta le premier
Que, par certain fermier,
Une belette un soir fut prise
Dans un grenier.
— C'est donc vous, mal apprise,
Qui saccagez ma paille et dispersez mon grain?
Je vous y trouve enfin! '
Et vous allez payer le dégât que vous faites.
- Ô cruel que vous êtes !
Répond la bête au museau fin :
Vous voulez m'arracher la vie,
Et de vous nuire, hélas! je n'eus jamais envie,
Car en ces lieux je sommeillais.
— Vous dormiez, il se peut; mais à dormir, belette,
On n'est pas, comme vous, si grasse et rondelette.
Vous périrez, vous dis-je, et je vous surveillais.
- Seigneur, épargnez-moi, reprend notre hypocrite;
Quand vous connaîtrez mon mérite,
Vous m'apprêcîrez mieux; en voici la raison :
C'estanoi qui chaque nuit purge votre maison
Des rats et des souris qui troublent votre tète ;
Je les traque, les mange et suis toujours en quête
Pour découvrir quelque insolent.
Jugez, dit-elle avec un air simple et dotent,
Si je me suis montrée en tout point serviable.
— Vous parlez bien, ma tout aimable,
Et dé Vous maltraiter j'ai les plus vifs regrets ;
Mais si ceux-là que vous guettez de près
Ne fournissaient, ma mie, à votre subsistance,
Vous ne prendriez pas, en cette circonstance,
Si chaudement mes intérêts.

C'est ainsi que des gens se vantent de services
Dont ils ont su tirer maints secrets bénéfices.

Livre II, fable 1




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