Que tu dois aimer, en retour,
Celle qui te donna le jour,
Et qui, pour toi, fut tout amour.
Heureux qui des soins d’une mère
Peut se voir chaque jour tendrement entourer,
Et qui n’a pas besoin qu’une main étrangère
Vienne de son enfance éloigner tout danger !
Mais ce bonheur combien semblent !e méconnaître !
Combien peu savent en jouir.
Trop tard hélas ! on aime en souvenir,
Celle qu’on négligea peut-être.
Thibaut l’agneau courait à travers champs,
Criant, bêlant ; Toinette la bergère
Le rappelait en vain ; ses plaintifs bêlemens
Aux échos d’alentour redemandaient sa mère.
« Ma mère où donc est-elle ? hélas !
Pourquoi ne revient-elle pas ?
Depuis deux jours je ne l’ai vue,
Ma mère ! ah ! l’aurais-je perdue ?
A présent de son lait qui donc me nourrira ?
La nuit, près de son sein qui me réchauffera ?
De la fureur des loups qui viendra me défendre ?
Ma mère ! ô dieux ! daignez-donc me la rendre !
Pauvre Thibaut, je plains fort ton malheur,
Lui disait la jeune bergère ;
Mais vainement les cris de la douleur
Au ciel redemandent ta mère :
Elle n’est plus !…..Je veux la remplacer,
Je veux te rendre ses tendresses,
Ses soins et ses douces caresses,
Je veux même les surpasser.
Hélas ! reprit L’agneau, vous m’êtes étrangère,
Et je puis de vous, par pitié,
Obtenir un peu d’amitié,
Mais jamais tous les soins ni l’amour d’une mère. »
C’était bien dit: au bout de quelques jours,
Thibaut fut dans un coin délaissé sans secours ;
L’infortuné mourut oublié de Toinette,
Pendant qu’elle dansait, joyeuse, sur l’herbette.