L’Aveugle qui a perdu son Bâton Joseph Hüe (1800 - 1836)

Sois compatissant, sois humain,
A l’aveugle prête la main,
Donne au malheureux de ton pain,
Tu seras béni du prochain.

On est frères, partant il faut que l’on s’entr’aide,
Et qu’aux peines d’autrui chacun porte remède :
C’est ce que tous les jours on dit, mais le fait-on ?
Un aveugle venait de perdre son bâton :
C’était pour lui perdre deux fois la vue.
Ses cris perçaient la nue ;
Mais que lui servait-il d’appeler au secours ?
On le laissait crier, et les gens étaient sourds.
« Quoi donc, disait-il, à ma peine
Quoi ! nul qui sache compatir ?
J’ai beau crier, ma plainte est vaine,
Et sans pitié l’on me laisse souffrir !
Au nom de Dieu, daignez m’entendre,
Vous dont les yeux sur ce chemin
Peuvent voir le bâton échappé de ma main,
Que vous coûterait-il, passants, de me le rendre ?
Rendez-moi donc, rendez-moi mon bâton ? »
Notre aveugle croyait qu en parlant de ce ton,
Chacun prenant pitié des cris de sa détresse
Allait lui rapporter l’appui de sa faiblesse.
Quelques-uns plaignirent son sort ;
Mais après son bâton l’aveugle crie encor.
Soyons plus généreux, et lorsqu en sa misère
Le pauvre implore notre appui,
Aidons-le : qui de nous peut savair aujourd’hui
Si jamais le destin ne lui sera contraire ?

Fables nouvelles en vers, à l'usage de l'enfance, 1837




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