Le Singe et la clochette Jean-Baptiste Voinet (1976 - ?)

Ne craignez pas le bruit sans connaître sa cause.
De ce proverbe adroit, cet aphorisme ancien,
Ne verrez-vous ici qu’une petite chose
Ou de cette morale, entendrez-vous le bien ?
Vous restez indécis ? Bien, qu’à cela ne tienne,
Nous allons le montrer par l’usage amusant
D’un de ces animaux que ces forêts anciennes
Abritent en leur sein. Commençons, à présent :

Un gentil petit singe avait une clochette,
- Un petit instrument qui tenait dans la main, -
Qu’il avait dérobé dans une maisonnette
En tâchant d’éviter de croiser un humain.
Sans le moindre embarras, sans gêne, sans scrupule,
Sans jamais s’occuper de ce bruit infernal
Il parcourait les bois, de l’aube au crépuscule
En agitant gaiement son jouet de métal.

Dans le village proche, au pied de la colline,
Le peuple tourmenté, dès la fin de la nuit,
Percevait nettement les ondes cristallines
Et ne comprenait pas la source de ce bruit.
Il fallut peu de temps aux natures bigotes
Pour inventer l’histoire et la réalité
D’un sauvage démon, dont la fâcheuse note
Préfigurait la fin de la tranquillité.

Mais une villageoise un peu plus avertie,
Se plaisait à les voir invoquer mille dieux.
La brave dame alors, d’un devoir investie,
Demanda audience au prince de ces lieux.
« Messire, je l’admets, je ne suis pas un homme,
Pourtant, confiez-moi ce travail déplaisant,
Et contre de l’argent, contre une forte somme,
J’accepte de tuer ce démon malfaisant ! »

L’ingénieuse cacha les sous dans sa musette,
Puis elle disposa alentours mille fruits,
Le singe les trouva, relâcha la clochette,
Afin de disposer de ce festin gratuit.
La dame s’en saisit, la porte et la dépose
Au peuple satisfait, soulagé, délivré.
Ne craignez pas le bruit sans connaître sa cause
Nous l’avons dit tantôt et nous l’avons montré.

Décembre 2022


Une chanson existe sur ce texte, inspiré d'une vieille fable indienne.

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