Autrefois
La fille d'un de nos grands rois
Avait un père
Débonnaire ;
Ses vœux à elle étaient des lois,
Tant il craignait de lui déplaire.
Quelquefois,
— Comme elle allait à travers bois
Au bord des ondes, —
D'eaux profondes
Où se mirait son beau minois
Montaient de grosses bulles rondes.
Une fois
Cette enfant d'un de nos grands rois
Dit à son père :
« Faites faire
Avec ces bulles que je vois
Un diadème pour me plaire. »
Maintes fois
La fille de ce roi des rois
Dit à son père :
« Je préfère
Mourir… puisqu'aussi bien je vois
Que vous ne voulez pas me plaire ! »
« Cette fois,
Dit le plus courroucé des rois
Et le plus triste
- Mon artiste
Fera des bulles que tu vois
Un diadème… et s'il résiste…
Par trois fois...
Plus de pardon, plus de pourvois,
La mort fatale,
Et brutale
L'attend avant la fin du mois,
Car ma fureur est sans égale ! »
— Une fois
Ô fille du plus grand des rois
Qui fut sur terre,
Daignez faire
Parmi ces bulles un bon choix —
Dit l'artiste — et je vais vous plaire.
Mille fois
La fille du plus fou des rois,
Devant son père,
Voulut faire
Parmi ces bulles un bon choix,
Mais elle se mit en colère :
Chaque fois
Elle voyait entre ses doigts,
Perle éphémère,
Se défaire
La grosse bulle de son choix,
Et c'était une plainte amère.
— Cette fois —
S'écria-t-elle enfin — je vois
Combien est vaine
Votre peine :
Je veux une couronne d'or ! —
Et tu la porterais encor
Si tu n'étais pas morte, ô reine
D'autrefois.