Un Ciron avait pour domaine
Un grain de sable. Il y trouvait
Ce qui fait nos plaisirs, beaux sites, monts et plaines
Il se plaignait pourtant ; son bonheur l’ennuyait.
La colère ou l’ennui sont un bien mauvais juge.
La moindre goutte d’eau lui semblait un déluge ;
Les souffles les plus doux courant sur nos sillons,
En jouant sur les prés avec l’herbe fleurie,
Lui paraissaient mugir comme les aquilons.
Le soleil versait-il une chaleur amie ?
Sa chaleur écrasait plus qu’un pesant fardeau ;
Un ciel bleu plus léger venait-il à sourire ?
C’était un ciel affreux, et qu’il fallait maudire.
Pour lui rien n’était bien, tout n’était que fléau.
Quoi ! dit ce Roi d’un grain de sable,
Le monde désormais devient inhabitable :
Toujours même soleil a la torride ardeur,
Escorté des autans, ses soldats en fureur ;
Il faut réformer cette sphère !…
Comme il disait sa plainte amère,
On entendit au loin murmurer l’Océan,
Et l’on vit en grondant se dresser un volcan :
Un moment les cieux s’obscurcirent…
Enfin, dit le Ciron, c’est un nouveau soleil,
Vraiment de celui-ci j’aime mieux l’appareil.
Comme il disait ces mots, des cratères vomirent
Des laves en fureur…, ô ciel ! malheur, malheur !
S’écria le Ciron, comprenant son erreur,
Il veut fuir n’importe où ; sa tentative est vaine ;
Une goutte de lave a touché son domaine,
Et ce réformateur qui se croyait puissant,
Périt anéanti d*un éclat du torrent.
Et l’immortel soleil poursuivant sa carrière,
Versait du haut des cieux sa féconde chaleur ;
Et le tendre zéphyr, de son aile légère,
S’en allait sur les prés, caresser chaque fleur.
Cette histoire est la tienne, ô profond politique !
Les Rois s’en vont, dis-tu, voyons la République :
La République c’est l’ouragan
Qui viendra l’emporter. — Réformons notre sphère. —
— Tu vas soulever un volcan !
— Les Rois s’en vont… vraiment ? regarde l’Angleterre,
Regarde autour de toi, que veut l’Europe entière ?
Oh ! le pauvre petit Ciron
Qui dans sa sagesse profonde,
Prend, le politique avorton,
Un grain de sable pour le monde.