L'Araignée Auguste Fisch (1814 - 1881)

Une araignée avait, dans un coin bien obscur,
A l'abri des regards indiscrets, en lieu sûr,
Fixé son léger domicile.
Pour découvrir mon gîte il faudrait être habile,
Pensait-elle, et je puis à l'abri des balais
Tisser ici ma toile et construire un palais !
Aussitôt la voilà qui se met à la tâche,
Du matin jusqu'au soir travaillant sans relâche,
Roulant dans son esprit sans trêve ni repos.
Mille embellissements et mille plans nouveaux.
Ici dans cet endroit sera mon piège à mouche,
-Là tout près mon grenier, mes réserves de bouche ;
Puis, ce double projet une fois achevé,
Plus loin, je construirai mon logement privé.
Tandis qu'elle poursuit d'une ardeur empressée
Ses rêves d'avenir, une ombre s'est glissée
Dans la salle au-dessous; quelqu'un regarde en l'air.
Et dit : Comme il fait sombre ici! Pour y voir clair
Il faut que j'ouvre la fenêtre !
Un rayon de soleil aussitôt de paraître
En projetant son éclat argenté
Sur le beau palais enchanté.
La servante aperçoit l'industrieuse bête
Suspendue à trois pieds au-dessus de sa tête,
Et s'écrie : « Il me faut la tuer promptement !
Vite un balai !... » Cet instrument
D'un seul coup réduit en poussière
Notre araignée et sa chimère !

Ohl n'oublions jamais, quand notre faible coeur
Forme pour l'avenir mille plans de bonheur,
Quand nous croyons pouvoir dans ce monde vj.sible
Nous construire un refuge, un abri bien paisible,
Oh! n'oublions'jamais que la mort peut soudain
Nous saisir, et sur nous poser sa froide main !
Veillons et soyons prêts!... consacrons nos journées
A la gloire du Dieu qui nous les a données,
Et, quoi que nous fassions, rappelons-nous toujours
Qu'il peut d'une heure à l'autre en suspendre le cours.



Fable 11

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