Les deux vieux Renards Simon Pagès (17ème siècle)

Depuis quel temps, seigneur voisin,
Es-tu privé de manger du lapin ?
— Hélas! depuis que la vieillesse
Appesantit mes ans, me force a la sagesse.
Ce matin même, un lapereau
M'a bravé par sa gentillesse.
Je m'étais mis là-bas derrière ce terreau;
Le finet a vu ma finesse :
Il s'est enfui;... zeste! par sa vitesse
Le drôle m'a laissé capot.
Hélas! je fais aussi le jeûne de carême :
J'ai beau prier Jupiter même,
Je puis a peine atteindre un escargot.
Bientôt je n'ai que les os et la peau :
Vois ma maigreur : comme ma mine est laide!
Dans certain
Livre saint
Test dit : Aide-toi pour que Jupiter aide.
— Confrère, il faut avoir recours
A quelques-uns de nos vieux tours.
Je connais une lapiniére
Bien pourvue autrefois. Cueillons le serpolet,
Le thym, tout herbe propre a nourrir lapinet.
Il croira faire bonne chère :
Il y viendra, nous nous y cacherons,
Et lapinet nous croquerons.
Les mets sont prêts ; au fond tous deux font sentinelles;
Mais de lapins point de nouvelles.
Après trois jours on veut sortir, il n'est plus temps.
De Jupiter admirons la sagesse:
La faim saisit ces guet-apens.
Tous deux moururent de faiblesse.
Un dieu détruit les desseins des méchants,

Livre IV, Fable 16




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