Une fleur d'ici-bas aussi pure que belle
Osait aimer ! — Qui donc ? — Je vous le donne en cent.
— Un papillon charmant mais infidèle ?
— Non pas vraiment.
C'était un amour bien plus grand —
Qui faisait à la fois sa joie et son tourment :
Elle songeait au roi de l'empirée,
Et s'en allait soupirer bien souvent
Devant son image sacrée.
Pour elle, de chagrin,
Cent insectes ailés se consumaient en vain.
Elle n'entendait rien, n'écoutant que son zèle ;
Jamais on n'avait vu de fleur aussi fidèle.
C'était un lys brillant, de sa blancheur paré.
Dans un coin de terre assez dure.
Seul, en anachorète il vivait retiré;
Car le plus pur amour était sa nourriture.
Un soir pourtant, un hanneton,
Fourvoyé dans un vert buisson,
L'aborde et, s'inclinant d'un air de suffisance,
(Les sots en ont toujours beaucoup plus qu'on ne pense)
Lui dit: « Qu'ai-je entendu, ma chère, et que dit-on ?
Cet amour singulier, sur lequel chacun glose,
Vous rapporte-t-il quelque chose ?
Vivre seule n'est guère bon !
Vous êtes jeune et belle ; imitez cette rose
Que tous nos papillons aiment si tendrement.
Pour être heureuse, il faut faire comme elle ;
Les grands doivent aimer plus généralement ;
C'est un malheur parfois que d'être trop fidèle »
La fleur lui répondit :
« Les ignorants devraient se taire ;
C'est votre cas, si j'en crois ce qu'on dit.
Laissez-moi, je vous prie, aimer à ma manière.»
Ce lys, à mon avis, ne manquait point d'esprit.
Le cœur n'est pas construit
Comme un meuble ordinaire :
Plus on y met d'objets et moins il se remplit.