Du jour le disque radieux
A flots épanchait la lumière,
Quand soudain, roulant dans les cieux,
La lune entre l'astre et la terre
S'interpose et semble au chaos
Refouler la nature entière.
Arrachés a leur froid repos
Les monstres hideux des ténèbres
Sortent de leurs antres funébres
Et, toutjoyeux qu’avant le soir
L’ombre étende son crépe noir,
Acclament de leurs cris sauvages
Cette nuit au vaste éteignoir,
Gage assuré de brigandages.
Le monde pour eux, en espoir,
A pris une face nouvelle ;
Le soleil dans l'ombre éternelle
Sans doute est plongé sans retour;
Mais leur joie eut courte durée;
Car voici que l’astre du jour,
A la nature rassurée
Versant la lumière à flots d’or,
Apparait plus splendide encor
Et soudain l'ost carnassière
Des monstres frappés de stupeur
Retourne en son obscur repaire
Cacher sa honte et sa fureur.

Autre soleil, sous des ombres soudaines
Naguère avons-nous vu le pouvoir englouti ;
De ses tanières souterraines
Une tourbe sans nom aussit6t a surgi,
De cris joyeux saluant les ténèbres,
Cahos propice a ses projets funèbres.
Tant de joie a bientôt péri!
Car bientôt le pouvoir, se dégageant des ombres,
Plus éclatant a brillé de nouveau
Et fait rentrer en ses retraites sombres
L’étrange et sauvage troupeau.

Livre VII, fable 9


Alger, 4 Juillet 1854.