Dans un agréable terrain,
Quatre jeunes ormeaux, aux bords d’une onde claire,
Jouissaient sous un ciel serein
Des faveurs qu’il daignait leur faire.
Mais est-il de bonheur qui longtemps persévère ?
Le jour qui le voit naître en voit souvent la fin !
Du tronc qui leur donna la vie
Un matin les vit séparés:
A peine végétants, soudain ils sont livrés
À la fatale intempérie
De l’hiver le plus rigoureux.
Enfin ils ont perdu leur naissante verdure,
Et les zéphyrs délicieux
Qui fertilisent la nature,
Ne voltigent plus autour d’eux ;
On n’entend plus sous leur feuillage
Les tendres rossignols célébrer leur amour ;
Les oiseaux seulement de sinistre présage
Y viennent faire leur séjour.
Pour de jeunes ormeaux, dieux ! quelle destinée !
Le ciel prétend-il donc les changer en cyprès ?
Sa colère contre eux est-elle déchaînée
Au point de les réduire à d’éternels regrets ?
Mais non, sensible à leurs hommages,
Un chêne étend sur eux ses rameaux bienfaisants ;
Il rend des aquilons les efforts impuissants,
Et les met sous son ombre à l’abri des orages.
Ils n’ont plus rien à craindre ; affranchis désormais
De toute maligne influence,
Ils invitent déjà sous des ombrages frais
Les hôtes ailés des forêts
A chanter leur reconnaissance.
Ayons foi dans la Providence,
Et ne désespérons jamais
Des biens que tous les jours dispense,
A l’heure que moins on y pense,
La sagesse de ses décrets.