Un jour trois voyageurs trouvèrent un trésor.
« En frères, dit l'un d'eux, partageons-nous cet or ;
Qu'un de nous ensuite à la ville
Se rende, et rapporte en ce lieu
De quoi faire un dîner d'adieu. »
Le plus jeune s'offrit, comme étant plus agile.
En route il se disait : « Me voilà riche ; mais
Je le serais bien davantage,
Sans mes deux compagnons, sans ce maudit partage.
Si d'un poison subtil je saupoudrais leurs mets !
La faim m'ayant surpris en route,
Je n'ai pu résister, — leur dirais-je au retour, —
J'ai dîné, mes amis, dînez à votre tour.
Us mangeraient sans aucun douté;
Alors pour moi quel heureux sort !
Au fait, qui me retient ?... Ces hommes me font tort,
Sans eux j'aurais eu tout, donc j'ai droit de tout prendre. »
Mais les deux voyageurs demeurés à l'attendre,
De leur côté tramaient un semblable complot.
« Il revient, disaient-ils, lâchons de le surprendre,
Qu'il tombe sous nos coups, et reprenons son lot. »
Gaiment, pour mieux cacher le meurtre qu'ils projettent,
Ils vont à sa rencontre, et soudain leurs poignards
Le frappent ; puis, de l'or n'ayant fait que deux parts,
Sur les mets apportés les perfides se jettent.
Mais bientôt, ressentant les effets du poison,
Ils vont dans les enfers rejoindre leur victime.
Souvent ainsi le crime est puni par le crime,
Et plus d'un traître est mort par une trahison.

Livre II, Fable 22, 1856




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