Arlequin, mes amis, venait d'avoir quatre ans.
Vif, d'humeur enjouée et de mine gentille,
C'était un vrai prodige aux yeux de ses parents ;
Et l'on songeait dans la famille
A lui faire quitter ses vêtements de fille
Pour la culotte courte et l'habit de garçon.
Ce changement était pour toute la maison,
Grand-papa, père, mère et tante,
Un grave événement, une affaire importante.
« De mon pourpoint de noce il me reste un morceau,
Dit l'aïeul, et je m'imagine
Qu'en veste et culotte ponceau ,
Notre espiègle aura bonne mine. »
Le père préférait un habit dé drap bleu,
Un vert gai de la mère eût mieux rempli le vœu ;
Vieille et Sentimentale fille,
La tante soutenait que la couleur jonquille
Était plus convenable à son joli neveu.
Pour et contre on discute, et, comme à l'ordinaire,
Chacun dans son avis s'obstine et persévère;
Chacun, de son dessein voulant venir à bout,
Porte chez le tailleur l'étoffe de son goût.
L'artisan, pour lés satisfaire ,
Prélève à son profit les trois quarts sur le tout ;
Les tailleurs sur ce point ne se font pas scrupule.
Le nôtre, qui passait pour le roi des voleurs,
De morceaux découpés et de quatre couleurs
Fit donc un vêtement bizarre et ridicule ;
Mais des parents fort admiré ,
Chacun d'eux y trouvant la couleur à son gré.
Je n'aime pas la bigarrure :
Dans les lois, dans les arts, dans les choses de goût,
Aussi bien que dans la parure,
L'unité me plaît avant tout.