Trois voyageurs cheminaient tristement,
Exténués de faim et de fatigue,
Et le gousset vide d’argent.
Contre l’adversité d’ordinaire on se ligue ;
Un malheur partagé nous en semble moins grand.
Ils marchaient donc en s’entr’encourageant,
Mais au fond sans espoir de prochaine ressource,
Quand le hasard, fort a point les servant,
Leur fit sur le chemin rencontrer une bourse.
L’or qu’elle contenait leur parut un trésor.
Ivres de joie, ils conviennent d’abord
D’en faire entre eux un fidèle partage,
Puis, se livrant à d’agréables soins,
Décident qu’un des trois, au plus prochain village,
Ira pourvoir à leurs besoins.
Le plus dispos prend sur lui cette affaire.
Les autres, étendus sur la molle fougère,
Attendant son retour, font, d’une avide main,
De la bourse trouvée un second examen.
La trouvaille était bonne : en trois parts divisée.
C’était pour chacun d’eux un fort honnête lot ;
Mais ils avaient une âme intéressée
Dont l’âpreté se décela bientôt.
« Ah ! que ne sommes-nous deux seulement ! »
Ce mot Leur inspire à l’instant l’odieuse pensée
De frustrer de son tiers le chercheur du dîné.
Ce beau projet à peine imaginé,
Le pourvoyeur revient, et, sa prompte venue
Déconcertant leur plan, sa mort est résolue.
Par ses deux compagnons dans un piège entraîné,
Il périt de leur main. Bien courte fut leur joie!
Le camarade aussi guettant toute la proie,
A ne rien ménager comme eux déterminé,
S’était sur ce dessein arrangé par avance.
Ils s’enivrent sans défiance ,
Et soudain l’un et l’autre expire empoisonné.
Mortels, vous le voyez, grâce à la Providence,
Le crime a promptement sa juste récompense.