Les deux Voyageurs Joseph Hüe (1800 - 1836)

Fais en toute discussion
Preuve de modération ;
De l’ire le diapason
Ne convient qu’à la déraison.

Entre deux voyageurs advint une dispute :
Tous deux au même but, mais par chemins divers,
Prétendaient arriver, et comme magisters
Sur ceci sur cela de soutenir la lutte.
Mais l’un de nos deux compagnons.
Venant à manquer de réplique :
« Bast ! dit-il, de bonnes raisons
» Avec cet ergoteur sottement je me pique !
» C’est, mon beau monsieur, trop d’honneur ;
» Et vraiment je vous trouve un plaisant discoureur !
» Alors, s’abandonnant à toute sa colère,
Il poursuit de ses cris son tranquille adversaire ;
Son regard est étincelant,
Son Ion de voix devient farouche,
Et l’injure à longs flots s’échappe de sa bouche.
L’autre avait raison cependant ;
Mais calme et dédaignant l’outrage,
Il ne dit mot, le laisse à loisir faire rage :
C’était agir sensément.
L’autre, quand il eut bien donné cours à son ire,
El dit ce qu’il avait à dire,
Rougit de son emportement,
Il reconnut son tort, en convint franchement.
Avec des furieux si vous avez affaire,
Pour remporter le mieux est de vous taire ;
Vous échauffer contre eux sérail hors de saison :
Le silence peut seul les rendre à la raison.

Fables nouvelles en vers, à l'usage de l'enfance, 1837




Commentaires