Deux mulets, deux amis, cheminaient sur la terre,
- On les distinguait mal, ils se ressemblaient fort,
D’ailleurs, en les croisant, on aurait dit deux frères -
Ils marchaient côte à côte en dosant leur effort.
Ils arrivaient tous deux de la même contrée
Et s’en allaient vers la même destination,
Deux routes à peu près de la même durée ;
Mais ils se distinguaient pourtant par leur mission.
Le premier, sur ses flancs, d’un poids fort raisonnable,
Seuls de simples fardeaux d’avoine étaient chargés,
Dans ses paniers d’osier, de façon confortable
La céréale en botte on avait pu ranger.
Sur les flancs du second, dans une grosse malle
On avait aligné de belles pièces d’or ;
- On n’avait jamais vu bête si impériale -
Fièrement, il portait sur son dos ce trésor.
Notre précieux ami n’aurait pour rien au monde
Échangé son ballot contre un autre moins lourd,
À cette aberration, pas même une seconde,
Il n’aurait désiré accorder son concours.
Quand, aux abords d’un bois, surgit une canaille,
Fusant sur les mulets, prête à les dépouiller,
On aurait préféré que notre ami s’en aille,
Comme fit l’autre alors, dévalant le sentier.
Qu’importe d’ailleurs, car, ce coquin très agile
En voulait au métal précieux, s’il en est,
Il attaqua celui des deux le plus fragile
Puis le laissa pour mort, au milieu des genêts.
« Est-il bien opportun de viser la richesse,
Demanda le premier, des deux le plus léger ?
Tu serais comme moi, debout, plein de noblesse
Si tu n’avais servi qu’un meunier, qu’un berger. »
Ce texte a été pensé comme un slam.