Le Peigne Ivan Krylov (1768 - 1844)

Une maman pour son enfant
D'un beau peigne ayant fait emplette,
Le bambin, d'un air triomphant,
A toute heure du jour en fait son amusette.
Qu'il se démène au jeu, qu'il épèle au bureau,
11 a le peigne en main, pour caresser sans cesse
Ses beaux cheveux dorés, frisés comme un agneau,
Qui de la soie ont la souplesse.
Quel beau peigne ! un pareil se chercherait en vain ;
Jamais il n'égratigne et jamais ne s'arrête ;
Il est léger, doux à la tête ;
Bref, aux yeux de l'enfant, c'est un trésor divin.
Mais, un beau jour, par aventure.
Le joli peigne s'égara.
L'espiègle ayant au jeu brouillé sa chevelure.
On voulut le peigner ; mais le bambin pleura.
Prétendant qu'on mettait sa tête à la torture.
« Où donc est mon beau peigne ? 11 le faut, je le veux !
Chacun de le chercher ; enfin on le retrouve.
Mais qu'a-t-il donc ? Il tire, il brise les cheveux.
L'enfant exhale en cris la douleur qu'il éprouve.
« Méchant peigne ! dit-il, — Mon ami, c'est sur toi
Que doit retomber ton injure ;
.le suis le même, mais pourquoi
As-tu brouillé ta chevelure ? "
L'enfant, dans son dépit, le prend, le jette à l'eau.
Poussant toujours des cris maussades,
Et le peigne devient un instrument nouveau
Pour la toilette des naïades.

Douce est toujours la vérité,
Tant que la conscience est nette ;
Par ses accents le cœur flatté
À la suivre aisément se prête ;
Mais il se trouve, un beau matin,
Que pour l'oreille elle est trop dure,
Quand, ainsi que l'enfant mutin,
On a brouillé sa chevelure.

Livre VII, fable 2




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