« Permettez, » dit l'Âne au Lion,
« A votre Majesté si j'ose,
Faire une proposition,
Dont en deux mots voici la chose:
La police en chaque pays,
Entretient un homme assez sage,
Qui pendant la nuit donne avis.
De l'heure qu'il sonne au village.
Le vallon, l'air et la forêt,
De ma voix connaissent la force,
Accordez au pauvre baudet,
Cette fonction qui l’amorce,
Avec un faible émolument,
De son, de requin, ou d'avaine,
J'éloignerai tout accident,
En surveillant le patrimoine. »
Au son du cor, avec grand bruit,
On fait publier l'ordonnance ;
L'Âne est nommé garde de nuit,
Avec du blé pour redevance.
Le jour finit, il hurle, il crie,
(Le Lion et ce bruit s'amuse)
Ii ne cesse sa mélodie,
Jusqu’à minuit que l'heure accuse.
Le sultan ne pouvant dormir,
Du baudet maudit la musique,
Et sans tarder te fit venir,
« Il faut, » dit-il, « que je t'explique :
Que je ne veux plus de ton chant,
Mange chez toi la redevance.
Mais quitte la place à l'instant ;
L’Âne s’en va faire bombance.
Ainsi dans Etat s'établit,
Un grand nombre de sinécures,
Dont les baudets font leur profit,
Aux dépens d'autres créatures.