Les Oisons et leur mère Gabriel-T. Sabatier (19ème)

Les oisons s'ébattaient le long d'une rivière ;
Ils étaient suivis de leur mère
Qui, pour les surveiller, partout les escortait ;
Sans cesse, elle leur répétait :
« N'allez pas vous lancer au beau milieu du fleuve ;
Je sais que si jamais vous tentez cette épreuve,
Vous vous en trouverez bien mai,
Car le courant est fort au milieu du canal !
De ce cours d'eau rapide, il faut redouter l'onde.
Ayez-en, mes enfants, une terreur profonde ;
Car nul de vous n'est encore assez fort
Pour pouvair l'affronter sans grand danger de mort. »
« Quoi, dirent les oisons, tu crains ces eaux tranquilles ?
Nous pouvons les braver ! car nous sommes agiles.
Chacun de nous est bon nageur ;
Nous ne devons pas avair peur !
Attends un instant, pauvre mère,
Et tu pourras juger de notre savair faire ! »
Ainsi parlèrent tous ces sots ;
Ils crurent qu'ils pourraient se diriger sans peine,
Et s'en allèrent tous au beau milieu des flots.
Le fleuve impétueux, à l'instant, les entraîne.
Les malheureux oisons, malgré tous leurs efforts,
Ne peuvent regagner les bords.

Ils ne sont pas les seuls ! Il arrive sans cesse
Que l'homme, méprisant l'avis de la sagesse,
S'élance sur des flots qu'il croit pouvair dompter,
Puis, vers le précipice, il se voit emporter.

Livre I, Fable 24, 1856




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