Dans une forêt solitaire,
Et la plus belle de la terre,
Jouaient des singes bondissants ;
Ils avançaient en longue bande,
Au nombre de plus de cinq cents :
Ainsi le conte une légende.
Après avoir beaucoup marché,
Sur un puits ils s'étaient penchés.
La lune se mirait dedans :
« — La nuit restera toujours brune
Si nous ne repêchons la lune !
Dirent ces singes imprudents.
Il nous faut secourir le monde,
Ne perdons pas une seconde,
Sauvons-le de l'obscurité.
Si rien n'éclairait les ténèbres
Comme les soirs seraient funèbres
Pour tout l'univers habité !
— Pour pêcher l'astre, comment faire ?
— C'est simple, amis, j'ai votre affaire,
Dit leur chef — « il faut s'attacher :
Tandis qu'à l'arbre, je m'accroche,
Formez chaînons, de proche en proche,
De tête en queue, et sans lâcher. »
Une guenon tenait la lune…
Presque… il ne s'en fallait que d'une…
Lorsque, crac ! la branche cassa.
Le dieu de l'arbre, philosophe,
N'ajouta plus que cette strophe,
Lorsqu'au fond la bande glissa :
« Comment ces fous, même en grand nombre,
Nous eussent-ils sauvés de l'ombre ?
Ils ne savent pas seulement,
Tant leur bêtise est inféconde,
Avant d'illuminer le monde
S'éclairer de leur jugement. »