Libre à vous d’imiter, mais il faut de l'esprit
Pour savair choisir son modèle ;
Quand par hasard un sol s'en mêle,
Dieu sait alors si l'on en rit !
Pour rendre ma leçon plus frappante et plus neuve,
Dans les pays lointains j'en vais chercher la preuve.
Les singes, pour nous imiter,
Ont un empressement souvent bien ridicule.
Dans un pays d'Afrique où leur race pullule
Au point que par milliers on pourrait les compter,
Plusieurs d'entre eux, amis par troupes,
Des branches d'un taillis écartant l'épaisseur,
Où sous les verts rameaux dissimulant leurs groupes,
De loin, en tapinois, observaient un chasseur,
Sur le sol, d'avant en arrière,
Dans les mailles d'un grand filet,
Notre rusé compère à dessein se roulait,
Et nos sots à gloser trouvaient ample matière.
« Mais voyez donc, qu'il est hardi !
Que de bons tours et quelle adresse !
Comme il s’est en arc arrondi,
Et qu’avec grâce il se redresse !
On donc met-il ses mains ? ses pieds où donc sont-ils ?
Bien joué ! voyez la culbute !
Nos tours, à nous, sont très subtils ;
Mais pourrions-nous entrer en lutte ?
Pourtant, mes bons amis, il ne serait pas mal,
Puisqu’il ne peut trouver son maitre,
De voir si parmi nous il aurait son égal.
Quand il sera bien las, il s'en ira peut-être ;
Alors, à notre tour ! » Le chasseur en effet,
Laissant là ses filets, pour un instant s'efface.
Nos singes de descendre : « Allons ! à nous la place !
Ça, point de temps perdu: faisons comme il a fait ! »
Les filets sont tout prêts pour faire accueil aux hôtes ;
Chacun s’y précipite et s'y vautre à plaisir ;
On y saute, on s'y roule à se rompre les côtes ;
On s’amuse, Dieu sait ! Mais il fallait sortir !
Blotti dans le taillis, le fin chasseur les guette.
Prenant en main des sacs à dessein préparés,
Dés qu'il voit qu'il est temps, il sort de sa cachette.
Nos singes dans tes rets s'agitent effarés ;
Mais ils sont enlacés ; impossible est la fuite !
Notre homme, au fond du sac les tassant, leur apprit
Qu’il faut toujours avec esprit
Savair choisir ce qu'on imite.