Le Cygne, le Ver-luisant, le Paon et le Scarabée Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Un scarabée, un. paon, un ver luisant,
Se disputaient le prix 'un mérite imposant:
Chacun d'eux estimait d'une valeur fort grande.
Mais un cygne, sur leur demande,
S'établissant leur juge, écouta. leurs raisons,
Dignes, pour la plupart, des Petites Maisons ;
Puis rendit ainsi sa sentence
En conscience:
« Toi, Ver luisant, ton éclat fuit
Quand le jour luit ;
En te comparant aux étailes,”
Dans l'orgueil que tu nous dévoiles,
Je n'aperçois que sotte vanité.
Le paon nous vante la beauté
- De son riche et brillant plumage ;
Il se dit l'oiseau de Junon !.. -
- Je ne dirai pas non.
Mais à quoi sert cet étalage ?
Son chant est si faux qu'il fait peur ;
J'en suis fâché, c'est un malheur,
son argument est-il bien raisonnable,
Quand il dit : Mes pareils ont brillé sur la table.
De Lucullus et de Caligula !...
Le bel honneur que celui-là !
Tu nous plais par ton encolure,
- Scarabée au vert éclatant ;
Mais, en toi, que voit-on de grand ?
Tu n'as qu'une vaine parure:
On te nomme, il est vrai, le cheval du bon Dieu ;:
De ton nom tu te fais un jeu,
En vivant toujours dans ordure.
Ainsi donc, tout. bien discuté,:
Vous n'avez pas le vrai mérite
Que l'on recherche et que l'on cite,
Le mérite d'utilité.
Or, par aucun de vous le prix n'est mérité. »

Le cygne prononça, comme une académie,
Sachant priser le bon et le beau du talent,
Sans s'éblouir d'un faux clinquant..
Qui grandit un auteur moins qu'il ne l'humilie.

Fables nouvelles, Livre IV, Fable 5, 1851




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