Les deux Pendules et le Temps Étienne Azéma (1776 - 1851)

Deux Pendules, riche ornement
D'une fastueuse demeure,
Et très-vaines conséquemment,
Avec précision prétendaient marquer l'heure.
Elles mentaient assurément.
Chacune allant à sa manière,
Celle-ci sonnait quatre fois,
Lorsque celle-là frappait trois :
C'était leur allure ordinaire.
« Vous n'arrivez pas assez tôt,
S'écriait la plus empressée.
Allons, dépêchez-vous. L'heure est déjà passée,
Et vous n'avez pas dit un mot.
— C'est vous qui vous pressez, ma mie ;
Vous allez un train sans pareil,
Confondant l'heure et la demie.
Moi, je vais comme le soleil. »
Le Temps, qui passait, les regarde.
« Toutes les deux vous avez tort ;
L'une avance, et l'autre retarde,
Leur dit-il. Voici l'heure, et mettez-vous d'accord.

Que d'erreurs et de faux systèmes
Nous prenons pour des vérités !
Les plus grossiers mensonges mêmes
Passent pour des réalités.
Le Temps, quoi qu'on dise et qu'on fasse,
Ne sait pas se payer de mots.
Il sépare le vrai du faux,
Et met chaque chose à sa place.

Livre III, Fable 12




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