Phylax qui pendant jour et nuit,
Sut garder maison et réduit ;
Et par ses cris des francs corsaires,
Arrêter les plans téméraires.
Phylax devant qui Lys-Tulban,
Ce grand voleur, ce chef forban ;
Recula deux fois d’épouvante,
Fut atteint d'une fièvre ardente.
Chaque voisin porta conseil,
Pour lui procurer du sommeil,
Un laxatif que l'on apprête,
Dut avaler la pauvre bête.
Le talent du boucher voisin,
Ex-docteur en pays lointain ;
Et comme on dit, il fit merveille,
Fut nul en matière pareille.
A peine du mal informé,
Que les amis, la parenté ;
Tout surpris partaient au plus vite,
Pour à Phylax rendre visite.
Pantalon son meilleur ami;
Qui de chagrin n’a point dormi;
Le flaire et dit: « Cher camarade,
Oui! je te trouve bien malade. »
« Ah!» dit Phylax « cher similord,
Fidèle ami, quel est mon sort ?
A mes maux si la mort succède !
La cause en est bien au remède.
Et si je meurs incontinent,
Tu pourras crier hautement,
Que la médecine en ce cas,
Est la cause de mon trépas.
Ah! que je mourrais en repos,
Si j’eus pu manger tous les os,
Ramassés avec tant de peine,
Et que j'ai caché dans la plaine ;
Cela me chagrine très-fort
D'avoir oublié ce trésor;
De n’en avoir fait bonne chère,
Avant que l'on me porte en terre.
Sois assez bon pour les chercher,
Mais prends bien garde d’en manger;
Tu les trouveras de la sorte,
L'un dans le jardin, à la porte;
Un autre prés du grand bassin,
Or je l'ai porté hier matin;
Dans le fond d’un réduit agreste,
Va, pars, tu trouveras le reste. »
Similord part à fond de train,
Apporte les os d ujardin.
Phylax sourit, lèche et frissonne,
Après son bien qui l'abandonne ;
Enfin, voyant venir ta mort,
Il dit: « Ne touche à mon trésor;
Attends que je sois dans la tombe,
Tu prendras tout si je succombe.
Ah! que je mourrais sans regrets,
Si ce charmant os de poulet ;
Que j’ai... mais non ; qu'on me permette
De n'indiquer cette cachette,
Si de mon mal je suis vainqueur :
Je te promets sur mon honneur,
Qu’à tes amis tu pourras dire,
Il fut, » — ici le chien expire.
L’avare est tel jusqu’au tombeau,
Deux regards sont pour le caveau,
Mille autres pour son bien fragile,
Enfoui par sa main débile..
Vivre de même et puis mourir,
Que ne fait-on pour s’enrichir ?
O vanité ! ô peine extrême,
Va! ton bonheur est un blasphème.