L'ENFANT
En brûlant, la flamme étincelle ;
Mais fuis ses trompeuses lueurs ;
Ne voltige pas si près d'elle,
Beau papillon ; garde ton aile,
Garde ton amour pour les fleurs !
LE PAPILLON
Enfant, quand renaîtra l'aurore,
J'irai dans les prés odorants,
J'irai pour m'enivrer encore
Des doux parfums que fait éclore
Le souffle attiédi du printemps.
Mais cette flamme, elle est si belle !
Ce soir je la veux caresser ;
Sa clarté joyeuse m'appelle,
Elle me demande un baiser.
Quand le doux plaisir nous réclame,
Il faut bien céder au plaisir !
L'ENFANT
Papillon, prends garde à la flamme,
À la flamme qui fait mourir !
Le feu brille, mais il dévore ;
Tu nais à peine comme moi :
Ah ! fuis ; les plaines ont encore
Des fleurs et des parfums pour toi.
LE PAPILLON
Non, cette flamme est si brillante !
Enfant, je n'y puis résister ;
Je veux dans sa caresse ardente
Tout entier me précipiter.
L'ENFANT
Mais dans cet amour qui t'enivre,
Beau papillon, tu vas périr !
LE PAPILLON
Aimer ainsi n'est- ce pas vivre ?
L'ENFANT
Hélas ! vivre ainsi, c'est mourir !
Il disait : à sa voix rebelle
Et docile à la passion,
Vers le feu dont l'éclat l'appelle
S'élança le beau papillon ;
Puis traînant son aile flétrie,
Pleurant son amour imprudent,
Il vint sans parure et sans vie
Retomber aux pieds de l'enfant.
Et voilà comme la jeunesse
Voit passer ses vives couleurs :
Il est un poison dans l'ivresse,
Il est des serpents sous les fleurs.
Toi que l'ardent plaisir réclame,
Jeune homme, ah ! résiste au plaisir !
Papillon, prends garde à la flamme
Qui séduit et qui fait mourir !