Las d’avair sur lui-même ennuyé son regard,
Un fier camélia, de la serre entr’ouverte,
Vit par hasard
Resplendir au milieu d’une pelouse verte
La violette bleue, éclose du matin.
Ce voisinage
Flatta fort peu l’orgueil du noble personnage.
Il mesura la fleur de son regard hautain,
Et lui tint, mot pour mot, ce superbe langage :
« Herbe ou fleur
Pauvre et nue,
Ta couleur
Me fatigue la vue.
Va fleurir
Ou mourir
Inconnue
Au coin de quelque rue.
Sur l’honneur,
Ingénue,
Ma splendeur
Augmente ta laideur ! »
L’étaile du printemps, la douce violette,
Répondit humblement, en inclinant la tête :
« Je vous accorde, ô monseigneur,
L’éclat, les rayons et la gloire ;
Rien ne me coûte de vous croire,
Je reconnais votre grandeur.
Dieu, qui fit le chêne et la mousse,
Vous fit superbe, il me fit douce ;
Il vous décerna la beauté,
Les belles feuilles d’émeraude ;
Il me donna l’humilité,
L’ignorance de toute fraude,
Vertus de mon obscurité !
Je vis modeste et solitaire.
Mais fière sur ma noble terre,
Où l’herbe sait me protéger ;
Je vis heureuse et fort à l’aise,
Je suis pauvre, mais bien française
Sans redouter aucun danger ;
Seigneur, vous n’êtes qu’étranger.
Enfin, sur vous j’ai l’avantage,
Et vous ne le pouvez nier :
Je vis libre sous mon feuillage,
Vous, vous vivez, en prisonnier. »
Le beau camélia, honteux et sans parole,
Jeta sur l’humble fleur un regard furieux.
Puis, dévoré d’ennuis, il devint soucieux ;
Son feuillage pâlit, et l’on vit sa corolle
Se faner, se ternir et tomber en deux jours.
Dans l’herbe notre étaile étincelait toujours !