Les Fleurs devant la Sagesse Raymond de Belfeuil (19ème siècle)

Je croyais que l'orgueil n'appartenait qu'aux hommes.
Mais, au siècle où nous sommes,
Il s'est glissé dans tous les cœurs,
Voire parmi les fleurs.

Elles vinrent, un jour, chercher noise à Zéphire
Qui soupira sans rien dire ;
Mais, leur courroux
Accroissant son martyre,
Il leur dit d'un air doux :
« Enfin, mes sœurs, que voulez-vous ? »
La Rose s'approcha : « Ce que je veux ? dit-elle,
Il faut que tu sois bien borné
Pour ne l'avair pas deviné.
Entre nous, à l'instant, proclame la plus belle,
Ou c'en est fait de toi ; tu meurs abandonné,
—Hélas ! murmura-t-il, un tel choix m'embarrasse,
Il en est parmi vous que j'aime tendrement,
Et, quel que soit mon jugement,
Je doute qu'il vous satisfasse,
Que Minerve juge du cas ! »
La Déesse aussitôt voit passer devant elle
L'Iris, la Rose, le Lilas ;
La Tubéreuse, l'Immortelle ;
Puis d'autres, puis toutes enfin,
Suivirent le même chemin.
En présence de la Sagesse,
Une seule pourtant n'osait se présenter.
Minerve en la voyant sentit une tendresse
Qu'elle ne voulut pas d'abord faire éclater.
« Puisqu'on fait choix de moi, dit-elle,
Pour être arbitre en ce débat^
Mon goût ne sera point celui d'une mortelle :
De la seule beauté je ferai peu d'état.
Mais quelle est cette fleur simplette.
Qui se cache dans le gazon ? »
C'était la Violette !
Elle reçut le prix, et Minerve eut raison.

On voit bien rarement aller de compagnie
L'orgueil et le talent ;
Le vrai mérite marche avec la modestie,
Et c'est s*on plus bel ornement.

Fable 40




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