De boire un désir violent ;
Qu'on appelle la soif, dans un puits fit descendre
Bouc et Renard, ils y burent d'autant,
Et quand ils eurent bu désir non moins ardent
De se tirer du puits sans plus attendre
Les saisit dans le même instant.
Le Renard dit au Bouc, nous avons bien la mine
De rester pour l'écot dans ce triste manoir,
Mais voici ce que j'imagine ;
Dresse-oi de tout ton pouvair,
Je grimperai sur ton échine,
Sur tes cornes ensuite et puis un saut léger
Me tirera du puits et du danger,
Et quand je serai dehors, je tirerai d'affaire
Le Bouc mon ami, mon compère,
Que je vois à regret dans un tel embarras,
Le Bouc crédule autant que débonnaire,
A se dresser ne tarda pas,
Et le Renard sortit du mauvais pas ;
Mais dans le puits le Bouc resta pour gage.
Trop content de sa liberté,
Le Renard pour le Bouc ne fit rien davantage ;
Le Bouc lui reprocha son infidélité ;
Mais le Renard traita le tout de bagatelle,
Et lui dit, pour sortir il te faut une échelle
Ou bien payer forte rançon,
Tu m'as l'air de rester dans l'humide prison ;
Au demeurant, si Dieu t'eût mis dans la cervelle
Autant de sens que de barbe au menton,
Tu n'aurais jamais fait une telle bévue.
Lorsque nous formons un dessein
Il faut toujours considérer le fin ;
Voyons avant d'entrer quelle sera l'issue.