L'Épagneul et le Mâtin Nivet Desbrières (18ème siècle)

Un certain Mardi-gras, au milieu d'un festin,
Un petit Epagneul remarquait un Mâtin
Qui profitait du temps et faisait grande chère,
En croquant tous les os, comme a son ordinaire :
Envieux de son appétit
Et plus encor de sa belle stature
Pourquoi, dit-il, fuis-je donc si petit ?
Ce favori de la Nature
Devient de jour en jour plus gras, plus vigoureux ;
Et moi qui n’ai pour nourriture
Que des aliments doucereux,
Je ne fuis prés de lui qu'une miniature :
Mais je me plains a tort, il faut dés aujourd’hui,
Il faut rompre toute abstinence ;
Puisqu’en cette maison tout est dans l'abondance,
Je vais dévorer comme lui.
Comme il n’était alors observé de personne,
Suivant sa passion gloutonne,
Il fit un si bon Carnaval,
Qu’il creva dans la chambre aux yeux de son rival
Que de gens sur la terre
Vont se briser au même écueil !
Jouets d'une vaine chimère,
Ainsi que de l'Epagneul.
Enorgueilli de Sa puissance
Un Roitelet attaque ’Empereur.
Le Marquis à l'impertinence
De s’égaler au plus riche Electeur,
Pour le train et pour la dépense,
Le Baron veut aller de pair
Avec un Prince, un Duc et Pair :
Le Bourgeois, l’Artisan, des Seigneurs font émules,
Et cette folle ambition
Ne produit que des ridicules,
Bien souvent le désordre et la destruction.

Fables nouvelles, fable 10




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